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Commandant Madeleine

Madeleine en bleu, l’uniforme de la Brigade des Sapeurs-pompiers de Paris. Crédit photo: photo personelle

Madeleine est officier de carrière verte (armée de terre) et bleue (sapeurs-pompiers de Paris) mais vous ne la trouverez pas lance en main « car je ne suis pas formée incendie » précise-t-elle. Par contre vous pourriez la voir prodiguant des premiers soins sur le lieu d’un accident en attendant l’arrivée du médecin car elle a suivi une formation poussée en premiers secours.

En effet, la Brigade des Sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) est une unité de génie de l’armée de terre, placée sous l’autorité du préfet de police de Paris.

C’est le hasard qui l’a fait revêtir l’uniforme bleu. Elle raconte que « destinée à commander une unité élémentaire, je souhaitais initialement une compagnie de combat du génie. Mais j’ai été amenée à demander une mutation et en 2015 on m’a proposé un temps de commandement à la Brigade de Sapeurs-pompiers de Paris, au sein de la compagnie de soutien infrastructure. » Cette dernière assure le dépannage et les réparations des 80 casernes de pompiers. Entre 2016-18 c’est Madeleine qui assure le commandement de cette compagnie.

Elle a tellement aimé ce qu’elle a vu à la BSPP qu’elle demande à y retourner, ce qui pourrait se faire – si tout va bien – en 2027 ou 2028, probablement pour y effectuer deux postes différents sur une période de quatre ans.

Le gros avantage : « c’est à Paris et cela me donne de la visibilité professionnelle ». Car, jeune maman de deux enfants nés en 2020 et 2022, Madeleine, qui vient de finir son cursus de deux ans au sein de l’École de Guerre à Paris, souhaite espacer les déménagements, ce qui permettra aussi à son mari de développer son activité professionnelle.

Elle admet volontiers que son « choix de jeune » d’être officier dans l’armée de terre fut pris sans qu’elle ne soit consciente de ce que cela impliquerait.

Et Madeleine en vert pendant son déploiement en Afghanistan. Crédit photo: photo personnelle

Au lycée, bonne élève, elle ne savait pas exactement ce qu’elle voulait faire mais comme elle aimait les lettres elle suit une prépa littéraire pour le concours de l’École normale supérieure. « Le monde du travail me semblait plan-plan et terne, le professorat ne me faisait pas envie, je voulais un métier qui me permette de rendre service. » Alors, ce sera l’armée et le concours pour l’École spéciale militaire de Saint-Cyr (ESM St Cyr) qui assure la formation initiale des officiers de l’armée de terre.

Active au sein d’un club d’athlétisme, Madeleine n’a pas peur des épreuves sportives. Néanmoins « j’ai sous-estimé le volume de sport et il a fallu que je me rattrape sur le tas ».

Les premières semaines à l’ESM furent « un choc à l’ouverture » rit-elle aujourd’hui. « Je découvrais absolument tout et ça m’a fait bizarre. Il faut surtout s’habituer au rythme de vie de la collectivité et au fait qu’on n’à pas de manœuvre pour organiser son temps », explique-t-elle. « Tout est chronométré : l’heure du lever, de la toilette, de manger, du repos. » Des doutes se lèvent. Madeleine en parle avec son chef « qui a su dédramatiser et me remotiver ».

Mais elle ne cache pas qu’il y a encore « plein de moments où on doute car c’est un métier qui à un impact très fort sur notre vie personnelle ». Elle a fait le calcul. « Pendant les cinq ans durant lesquels j’étais en poste au 3è Régiment du génie à Charleville-Mézières il y a eu 699 jours pendant lesquels je n’étais pas chez moi, c’est à dire que je n’ai pas dormi à la maison. » Autrement dit 38,25 % du temps « mais c’est tout à fait normal », insiste-t-elle.

Heureusement son mari, ancien militaire, connaît l’institution. Il sait donc à quoi s’attendre. Madeleine constate que « les femmes, et en particulier les officiers, sont très souvent en couple avec des militaires ou d’anciens militaires ». Cela n’empêche que la « question des absences est une vraie question » souligne-t-elle. Comme un officier change de poste tous les deux ans et qu’aujourd’hui leurs conjoints ont des métiers et ne tiennent pas à déménager sans arrêt, « le résultat c’est que de très nombreux militaires [hommes et femmes confondues] sont en célibat géographique ». C’est à dire que leur famille s’installe dans une ville pour permettre au conjoint de développer sa propre carrière et aux enfants de suivre une scolarité normale, tandis que le militaire fait sa mission et ne rentre que le weekend.

Madeleine se débrouille depuis déjà plusieurs années pour rester en région parisienne. Avant sa première expérience à la BSPP, elle passe trois ans au Lycée militaire de Saint-Cyr à 2km à vol d’oiseau du grand canal du Château de Versailles. Elle n’y donne pas de cours mais commande une compagnie d’élèves (130 à 180 jeunes) de classes prépa et BTS Cyber. « Je m’occupais de leur formation militaire et activités de tradition, j’encadrais leur vie courante et m’assurait qu’il y ait un équilibre entre respect du règlement et lien de confiance. » Et elle leur a appris que dans l’armée « il ne faut pas nécessairement être ami mais il faut être bon camarade avec tout le monde ».

Et puis elle réussit le concours pour l’École de Guerre (au bout du Champ de Mars à l’opposé de la Tour Eiffel) où se forment les chefs militaires de demain. Seul un tiers des candidats est admis. « Il vaut néanmoins mieux présenter le concours et le rater que de ne pas le présenter du tout », conseille-t-elle « car ne pas le présenter est mal vu par la hiérarchie ».

Madeleine en beige lorsqu’elle a reçu au mois de juin 2023 la médaille de l’ordre national du Mérite. Crédit photo: photo personnelle

Avant leur formation les officiers lauréat du concours doivent faire une OPEX (opération extérieure, c’est à dire une mission de six mois à l’étranger) ce qui, dans le cas de sa promo, correspond à une mission entre juillet 2020 et janvier 2021. Mais comme Madeleine a mis au monde son premier enfant en juillet 2020 elle ne souhaite pas être projetée. Alors, sur les conseils de son chef, et grâce à sa licence d’histoire et un Master en relations internationales et stratégie obtenus à l’ESM, elle effectue un stage de cinq mois à Paris comme officier chercheur au sein de l’Institut français des relations internationales (IFRI). « Cette expérience m’a tirée vers le haut » pense-t-elle.

Elle a fait deux misions hors métropole : une de quatre mois à Hao en Polynésie française en 2012 où elle fut cheffe de section déconstruction et dépollution sur cet atoll qui fut la base arrière du centre d’expérimentation nucléaire de Mururoa, et une OPEX de six mois au sein des forces OTAN en Afghanistan, à Kaboul, où elle a commandé des démineurs et conseillé ses chefs dans les opérations ayant trait aux engins explosifs en tous genres (munitions non explosées, objets suspects, munitions anciennes découvertes par hasard).

Son ambition : « à moyen terme je souhaite commander le groupement de soutiens et de secours de la BSPP. » Rendez-vous vers 2030 !