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Capitaine Caroline

La capitaine Caroline. Crédit photo: État-major des armées

Originaire de la région parisienne Caroline est la première militaire de sa famille. « Depuis toute petite, j'ai été attirée par les métiers de la sécurité », raconte-t-elle d’une voix grave et posée. « Au fil de mes recherches, c'est le côté académique de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr (ESM St Cyr) qui m'a attiré car je voulais quelque chose de complet. »

Son père aurait souhaité qu'elle intègre l’École Polytechnique, mais, dit-elle en riant, « de toute façon j'avais opté pour un bac ES, donc ce n'était pas possible ». Sa mère, elle, était plutôt inquiète de voir sa fille emprunter la voie militaire.

Une de ses plus belles expériences lors de ses études entre 2012-15 à l'ESM Saint-Cyr Coëtquidan, qui assure la formation initiale des officiers de l’armée de Terre, fut le stage commando obligatoire en Guyane. « Je cherchais à voyager, l'aventure, à aller dans des lieux hors du commun et la Guyane répondait à tout cela. C'est ce stage en Guyane qui m'a le plus marqué. C'est un milieu hostile, dur physiquement, mais l'environnement de la jungle est un cadre surprenant. On se sent toute petite face à cette faune et cette flore », dit-elle, visiblement encore sous le charme des souvenirs de ce stage.

Ce dernier se déroule au centre d'entraînement en forêt équatoriale dans le camp « Adjudant Szuts ». Le camp est situé face au point de confluence du fleuve Approuague et de la rivière Mataroni proche de la commune de Regina, qui, avec ses 12 130km2 est la deuxième commune la plus étendue de France après Maripasoula, en Guyane elle aussi ! Le camp se trouve à 1h40 de route de la capitale, Cayenne, entouré de forêt amazonienne.

Comment font les femmes qui sont déployées dans des zones hostiles comme celui-ci où il est impossible de gérer correctement l’hygiène personnelle ? « J'en ai discuté avec ma cheffe de section de l'époque et c'est elle qui m'a conseillée, » dit-elle, en soulignant qu’il y a forcement une option qui conviendra à chacune selon ses préférences.

Elle sort de Saint-Cyr avec un Master 2 en économie, ce qui répond à son souhait de suivre une formation qui soit aussi académique. Elle fait fi du côté réputé très difficile de la condition physique nécessaire pour réussir Saint-Cyr. « Je faisais de la boxe anglaise [où l’on ne se sert que des poings contrairement à la boxe française qui permet aussi d’utiliser les pieds] et puis il faut savoir repousser les limites. Je pense qu’il y avait une part de challenge : on pense qu’on ne réussira jamais telle ou telle épreuve mais on n’est pas toute seule, on est avec un collectif qui vous encourage et vous soutient. Donc il y a une émulation en collectif, c’est un cercle vertueux. »

Caroline décide de se spécialiser dans les transmissions. Un choix qui peut paraître surprenant pour quelqu'un apparemment plus portée sur l'économie et les sciences sociales. Elle en rit. « Mon père et mon frère travaillent dans l'informatique. J'ai baigné dedans depuis toute petite. » Ce qui lui plaît dans les transmissions c'est justement ce côté technique.

Son travail consiste à s'assurer que toutes les communications, que ce soit par radio, par téléphone, par informatique, soient en place et fonctionnelles pour que la mission puisse se dérouler sans encombre. « En mission, ce sont les rencontres et le côté humain, qui me plaisent », dit-elle.

Aujourd'hui, la jeune femme est commandant de compagnie au 41e régiment de transmission, après avoir été pendant deux ans, l’Aide de camp du Général commandant les forces terrestres, basée à Lille.

Caroline en plein travail. Crédit photo: État-major des armées

Dans son poste actuel c’est le côté humain qui lui plaît. Elle est responsable d'une centaine de personnes « alors je ne peux pas faire n’importe quoi ». Évidemment, elle a une majorité d’hommes sous ses ordres. Mais, comme sa cheffe de section d'autrefois, son autorité est très bien acceptée. « Je pense que les mentalités changent. Il y a un effet générationnel. Alors il y a encore de la compétition mais les femmes sont bien mieux acceptées qu'il y a quelques années, même si nous ne sommes encore que 10 % de filles dans l'armée de terre. »

Caroline reconnaît que c'est un peu le « grand écart » parfois dans son couple qui dure depuis une décennie car « quand je suis en mission c'est le travail avant tout . C'est un équilibre que j'ai trouvé, mais il faut entretenir le dialogue, surtout que ma femme n'est pas militaire, » dit-elle.
Sachant qu’elle rendra son commandement en 2024 elle pense déjà à la préparation pour le concours de l’École de Guerre en 2025. Installée dans les locaux de l’École militaire à Paris, c’est ici que sont formés les officiers supérieurs des forces armées françaises (air, mer et terre).

Passionnée, elle a clairement trouvé sa place. Elle souligne que pour faire carrière dans l'armée de terre « il ne faut pas se mettre des barrières, il faut se renseigner pour trouver le bon métier et garder à l’esprit que tout le monde y a sa place. Et il faut surtout aimer son métier car il peut y avoir de fortes contraintes, pour la famille notamment. »

Le jour de sa prise de commandement avec une majorité de sa compagnie en arrière. Crédit photo: personnelle