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ICA Julie

Julie portant l’uniforme qu’elle ne met pas tous les jours au travail. Crédit photo : DGA

Petite fille, Julie rêvait de pouvoir un jour défiler parmi les militaires sur les Champs Elysées le 14 juillet. Rêve accompli en 2005, vêtue de la jupe et des bottes de Polytechnicienne. « Il faisait drôlement chaud », se souvient-elle. Son souvenir : avoir eu « un peu la boule au ventre avant le défilé, mais une fois qu’on commence à marcher, on oublie le trac. Et finalement le défilé passe super rapidement », s’émerveille-t-elle encore.

Julie raconte que, curieusement, tous les élèves de l’École polytechnique n’aspirent pas à défiler le 14 juillet. « Il y en a qui sont déjà partis en vacances ou en stage, ceux qui n’ont simplement pas envie et ceux qui n’arrivent absolument pas à marcher au pas et sont donc éliminés d’office », rit-elle. Mais ayant l’envie, et sachant marcher au pas, elle a pu réaliser son rêve devant ses parents, « fiers parce que je réalisais un rêve et qu’ils m’ont toujours encouragée à viser haut ».

Julie a toujours aimé l’uniforme, particulièrement le naval, se posant même la question d’un engagement militaire, plutôt dans la marine. Mais, passionnée de maths et de physique, elle veut faire un travail d’ingénieure et trouve « que dans la marine il n’y a pas assez de ce travail d’ingénieur que je souhaitais. »

C’est lors d’un forum de carrières qu’elle découvre le métier d’ingénieur de l’armement qui correspond exactement à ses desiderata : « envie de travailler pour mon pays, de porter l’uniforme et de faire un travail d’ingénieur ». 

L’ingénieur de l’armement est une particularité toute française. En collaboration avec les armées et les industriels, il conçoit et dirige les programmes d’armement, en supervisant toutes les étapes, de la définition à la livraison aux forces. Cadres supérieurs militaires, ils constituent le grand corps technique du ministère français des Armées, à la Direction générale de l’armement (DGA).

Étant militaires ils ont des grades mais avec d’autres appellations que celles auxquelles nous sommes habitués. Julie, par exemple, est ingénieure en chef de l’armement ce qui équivaut au grade de colonel. Alors sur son uniforme elle porte cinq barrettes (deux plus trois).

La plupart des ingénieurs de l’armement sont issus de l’École polytechnique (l’X pour lui donner son nom familier) - mais beaucoup d’autres voies existent pour rejoindre la DGA selon les spécialités, le niveau de formation, et le profil militaire ou civil - et, poursuivent ce cursus par une formation plus spécifique dans une école d’application. Julie, comme beaucoup de ses pairs, a choisi l’École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA). 

A Polytechnique, Julie prend toutes les options liées au naval et fait son stage de formation humaine et militaire dans l’aéronavale. Au sein de la DGA elle suit un parcours « assez classique sauf pour un passage comme cheffe de cabinet et un poste en finances pour y acquérir des compétences budgétaires ».

Aujourd’hui elle est directrice d’un programme naval. « Ça veut dire que je gère une équipe et qu’ensemble nous travaillons dur pour que le produit délivré aux forces réponde à toutes leurs exigences. » En dépit de son jeune âge et de son genre, elle dit n’avoir jamais eu de problème de légitimité au travail « et je n’ai jamais ressenti dans mon parcours qu’être une femme a été pénalisant ». Mais elle concède que « les anciennes ont ouvert le chemin pour les femmes de ma génération et je mesure la chance que j’ai aujourd’hui. » 

Ce n’est pas Julie mais des consoeurs de la promotion 2013 qui portent l’uniforme de l’X. Crédit photo : Jérémy Barande, Creative Commons.

Il faut dire qu’aujourd’hui la DGA y met du sien. Il y a trois crèches au sein du ministère des Armées dans le sud-ouest parisien, ce qui permet à Julie d’y déposer tranquillement ses deux petits tous les jours. En outre, la Covid étant passée par là, elle partage son temps entre le télétravail et le bureau « car on a besoin de voir les équipes. Mais j’ai imposé que les réunions se terminent à 17H30. »  Elle évite les déplacements si possible ; sinon juste des voyages éclairs. 

Pour elle, le télétravail s’avère « miraculeux », car « complètement entré dans les mœurs et cela valorise l’attractivité des postes, autant pour les jeunes pères que les jeunes mères. Cette souplesse rend la vie moins stressante, en particulier en région parisienne, même si ce n’est pas tous les jours faciles ! » 

Étudiante à l’X elle s’inquiétait justement de savoir comment équilibrer sa carrière et son désir de fonder une famille. Sa maman, mère au foyer, l’avait prévenue « avec des enfants ça va être difficile ». Mais « en fait ce sont mes collègues qui m’ont rassurée, avec de nombreux exemples de femmes à la DGA ayant une belle carrière et des enfants », raconte-t-elle. Julie conseille à son tour aux jeunes ingénieurs, femmes et hommes, dès leur premier poste de « conserver de l’énergie pour leur vie de famille afin de préserver un équilibre entre la carrière professionnelle et la vie privée ».