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Capitaine de corvette Amandine

Amandine lors de notre entretien à Paris. Crédit photo : Christina Mackenzie

Drôle, enjouée, joviale et dynamique, Amandine n’aura sans doute aucun mal à s’adapter à la nouvelle vie qui débutera pour elle cet été quand elle mettra un terme à une carrière de 16 ans comme officier sous contrat dans la marine pour s’installer aux Etats-Unis avec son conjoint, marin lui aussi.

Une troisième vie professionnelle s’annonce pour cette jeune femme, ingénieure mécanique, qui n’a rejoint la marine qu’en 2006 à l’âge de 27 ans ,« la dernière limite » pour s’engager comme officier sous contrat. « Je travaillais comme ingénieure de recherche dans la nanotechnologie chez Olivetti dans la Vallée d’Aoste en Italie », me dit-elle en sirotant son thé. « Mais ce que je faisais n’avait aucun sens, je voulais entrer dans les armées et bouger. » 

Elle admet dans un grand éclat de rire que, même si elle est née à Cannes, d’où sa famille (son père est tchèque, sa mère vietnamienne) est partie quand elle n’était encore que bébé, « je n’ai jamais vécu au bord de la mer », mais « après avoir approfondi la question, j’ai choisi la marine. »

N’avait-elle pas peur d’avoir le mal de mer ? « Non, et puis on apprend vite à faire attention aux trois F : froid, fatigue et faim. La combinaison des trois indique un mal de mer imminent alors on s’allonge et on dort pendant une heure. Et puis on peut se sentir un peu vaseux pendant 24 heures, le temps que l’oreille interne s’adapte, mais après ça va. »

Amandine n’a pas connu la peur de la contrainte d’une vie militaire ni de l’absence prolongée de ses proches, ni de la promiscuité inhérente sur un navire. « Je n’ai eu aucune appréhension à rentrer dans un système hiérarchique. Ce fut la meilleure décision de ma vie », rajoute-t-elle dans un grand sourire.

Amandine passe une année en formation entre l’École Navale et un stage embarqué sur la frégate anti-aérienne Jean Bart. « On apprend à marcher au pas et surtout à reconnaître les galons ! » Dans sa promotion d’environ 35, elles sont six filles. Finalement tout lui vient extrêmement naturellement, peut-être parce qu’elle est « une enfant autoritaire » et en dépit du fait que cette jeune femme très sociable aime bien sortir et faire la fête. « Bizarrement je me trouvais rassurée dans les espaces un peu confinés d’un navire où on partage son poste [chambre] avec d’autres filles. Le seul espace privé c’est la bannette [lit] » rigole-t-elle.

Elle remarque que chaque bateau a son odeur. Cherchant le mot pour décrire ce parfum elle opte pour « douceâtre ».

Amandine passe sa première affectation comme adjointe du chef de service machine thermique à bord du Jean Bart, un navire non-féminisé, c’est à dire que les seules femmes à bord sont des officiers. « Sur un bateau non-féminisé il n’y a pas de quartier féminin pour les non-officiers », explique-t-elle. Elle rajoute avoir été approchée de façon inappropriée par un collègue qu’une seule fois « mais je l’ai vite remis à sa place ». Depuis elle n’a plus jamais rencontré ce problème, même si elle reconnaît que sa façon de commander reste plutôt joviale et dynamique.

Comme sur un bateau chacun a plusieurs rôles à jouer elle est aussi, sur le Jean Bart, officier détail (chargée de l’entretien extérieur du bateau) et en tant qu’officier le plus jeune dans le grade le moins élevé elle est également midship et cheffe de gamelle ce qui l’oblige à présenter le menu en chantant ! Dans son rôle de ‘midship’ elle a aussi le droit, voire le devoir, d’être un peu insolente. Je n’ai aucun mal à l’imaginer se donnant de tout coeur à ces deux astreintes ! 

Comme vous le voyez sur les photos, Amandine a les cheveux coupés courts. « Mais là ils sont longs comparé aux cheveux vraiment courts que j’avais avant », rit-elle. A bord c’est plus facile a entretenir. « Je ne me maquille pas non plus à bord, ce qui fait que la toilette ça prend une minute le matin. »

Amandine à bord de la frégate La Fayette. Photo personnelle.

A bord de la frégate La Fayette, Amandine est cheffe du service machine thermique. C’est à bord de ce bateau qu’elle subit son vrai baptême de feu lors de l’opération Harmattan au large de la Libye lorsque le Lafayette est ciblé par des tirs venus de terre.

Et puis elle est nommée commandant adjoint navire, ou COMANAV, sur le Premier Maître L’Her. C’est elle le pivot entre les mécaniciens et le commandant. C’est un patrouilleur de haute mer basé à Brest « qui bouge beaucoup » avec ses 90 marins à bord. Elle raconte qu’à ce poste on vous appelle « chef » et que la première fois qu’un des marins s’est adressé à elle en ces termes elle en a ressenti « des frissons » ! Même très bien formée au poste, Amandine avait néanmoins la boule au ventre avant de le prendre. « Il faut être très humble et ne pas hésiter à dire tout de suite si on a fait une bêtise, ou si on ne sait pas, » suggère-t-elle.

En 2013 elle commence une année à la IFP School à Reuil-Malmaison, « une des pires années de ma vie » car la formation y est très exigeante « mais ça m’a beaucoup apporté intellectuellement ». Suivent deux années au Pôle Écoles Méditerranée à Saint-Mandrier comme responsable de la formation des sous-officiers et officiers mécaniciens, avant un retour sur le La Fayette, cette fois en tant que COMANAV.

Et puis elle a voulu changer. Elle est partie alors dans le bataillon des marins-pompiers de Marseille comme cheffe du service infrastructures, responsable de 26 sites, dont 17 casernes où elle est restée deux ans.

Aujourd’hui Amandine est cheffe de cabinet du directeur central du service de soutien de la flotte, « le mega-boss des mécaniciens de la marine » explique-t-elle. Que fait exactement un chef de cabinet ? « Je suis un espèce de centre névralgique. Il faut être rigoureuse, avoir un bon relationnel et une grosse disponibilité », répond-elle.

Amandine lors de sa première participation au 24h du Mans Roller. Photo personnelle.

Justement, est-ce que ce métier lui a laissé le temps d’avoir une vie personnelle ? La réponse est non seulement oui, mais intense. « Je suis en couple depuis 14 ans avec un militaire. Comme chacun a mené sa carrière, nous avons passé beaucoup de temps en célibat géographique. Je n’ai jamais souhaité avoir d’enfant moi-même et je suis très heureuse comme belle-maman du fils de mon conjoint. En plus j’ai pu jouer au rugby et je me suis passionnée pour le roller derby. Je vais participer pour la deuxième fois au 24h Roller sur le circuit au Mans en juillet. Comme je n’ai trouvé personne pour m’accompagner j’y participerai seule. » Et dans les moments plus calmes elle s’adonne au violon ! Je me demande si l’ennuie ne va pas la gagner à Washington. « Je quitte la Marine sans regrets. J’ai fait mon temps. Je vais dorénavant m’intéresser à la bio-méthanisation...