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Lydia Zebian

Lydia. Crédit photo : Texelis

Lydia apporte la preuve s’il en faut une qu'être ingénieure en mécanique ne constitue pas le métier ennuyeux que beaucoup pourraient s’imaginer. Cette jeune femme élégante et ambitieuse est aujourd'hui directrice des programmes et du développement de la business unit défense de Texelis, où elle est responsable du programme Serval, le véhicule blindé multi-rôle 4×4 que l'entreprise construit pour l'armée française avec Nexter.

L'ingénierie mécanique lui a permis de vivre dans différents pays et d'apprendre le japonais « suffisamment bien pour me débrouiller », rit-elle. « J'ai toujours voulu être ingénieure en mécanique dans le secteur automobile », confie-t-elle. Pour confirmer ce choix, elle entreprend un stage dans l'industrie aérospatiale. Sa première impression : « le développement et les tests étaient trop lents à mon goût. Ensuite j’ai fait un stage dans le secteur automobile et j'ai trouvé cela beaucoup plus dynamique ».

Toulousaine de naissance, elle reste dans la Ville Rose pour y effectuer sa prépa. Elle choisit l'Institut supérieur de mécanique, plus familièrement appelé "SupMéca", à Paris et Toulon. Elle concède que « l’école ne se classe pas parmi les grandes écoles d'ingénieurs mais je l'ai choisie parce qu'en dernière année on passe six mois à travailler sur un projet – le mien était de construire une plateforme de mobilité utilisant l'intelligence artificielle – puis six mois à faire un stage ».

Après l’obtention de son diplôme, Lydia veut à la fois travailler et voyager, ambition réalisée avec un job d’ingénieure aux États-Unis. « Mais je suis rentrée au bout de six mois pour étudier à la Toulouse Business School parce que je voulais une certaine crédibilité dans le business pour améliorer mes opportunités de carrière. »

Cette case cochée, Lydia se dit que faute de pouvoir travailler à l’étranger, pourquoi ne pas trouver un emploi dans une entreprise étrangère ? Chose faite chez Nitto Denko, une société japonaise, qui l’embauche en France pendant un an avant de lui proposer un poste à Tokyo. Elle explique que la plupart des femmes dans le secteur industriel au Japon, au moins dans la première décennie du 21e siècle, occupaient des emplois administratifs et rentraient directement chez elles après le travail, de sorte qu'en tant que la seule femme ingénieure, et, de plus, une étrangère, ses collègues masculins japonais ne savaient pas trop sur quel pied danser avec elle. « Apparemment, ils ont opté à me considérer non pas comme une femme mais comme une étrangère et m'ont donc invitée tous les soirs à boire de la bière et du saké avec eux après le travail. C’étaient comme être membre d’une famille de travail ! » Les journées sont souvent longues. Elles débutent à 6 heures du matin, car Lydia vit dans la banlieue de Tokyo à une heure de son lieu de travail, et se terminent à minuit après la bière et le saké !

Elle reste un an à Tokyo avec son mari, avant que le couple ne déménage en Belgique où Nitto Denko lui avait proposé un poste au sein de son siège européen.

Lydia raconte que ce qu'elle a retenu de son expérience de sept ans au sein d’une entreprise japonaise est la méthodologie de l'innovation et une vision à long terme de la stratégie. « Je les utilise tous les jours », remarque-t-elle, expliquant que cela « signifie prendre petit pas par petit pas et ne jamais essayer d'introduire quelque chose de totalement nouveau et inédit. J'ai appliqué cela dans tous les emplois que j'ai occupés et cela a toujours été un succès. Cela vous rend crédible parce que vous ne partez pas de zéro. »

Après cinq ans en Belgique, Lydia et sa famille décident de rentrer en France. « Voyager m'a fait aimer davantage mon pays. La base de la France, comme le système politique et les institutions, sont vraiment très bonnes. J'ai décidé de rentrer chez moi parce que je voulais être plus connectée à mon pays et à ses entreprises locales. »

Ainsi, en 2012, en pleine crise automobile et enceinte de sept mois de son deuxième enfant, elle postule pour un emploi au sein d’une compagnie de taille moyenne dans la magnifique région de la Dordogne. L'entreprise, fournisseur de premier plan de pièces en caoutchouc pour les constructeurs automobiles français « était petite. Très peu de gens maîtrisaient l’anglais et il n’y avait que peu d’ambition à l’international quand j’ai commencé. Le dirigeant de l'entreprise était également maire de la ville, sa principale préoccupation étant donc de maintenir l'emploi. La mienne était aussi de maintenir l'emploi mais en modernisant l'entreprise ! » Elle commence comme responsable des ventes, avant d’être nommée un an plus tard responsable des ventes et des projets, puis directrice des ventes, de la R&D et des projets. Au cours de son mandat, la société s'est développée grâce à des acquisitions en Europe et à des partenariats stratégiques en Asie. Lydia pense que « cette expérience dans différents départements est un énorme avantage pour moi aujourd'hui car elle a élargi ma vision. »

Lydia sur la ligne de production Serval. Crédit photo : Texelis

Mais il y a quatre ans, « je cherchais de nouveaux défis » et « une vraie opportunité » s'est présentée chez Texelis à Limoges. Ce n'est qu'après avoir commencé à y travailler qu’elle réalise pleinement la pertinence de son choix. « Je n'avais pas de réseau dans le secteur de la défense à l'époque et j'ai vite découvert que mon image des militaires était faussée. La principale différence avec les civils, c'est qu'ils ne sont pas engagés pour les affaires mais pour leur pays », remarque-t-elle. « C'est très différent de l'industrie automobile. Mes réunions d'aujourd'hui ne portent pas sur l'argent, mais sur la vie et comment être le premier dans le domaine technologique. »

Lydia explique avoir embauché plus de 20 personnes pour le programme Serval « et je suis très fière qu'il y ait si peu de turnover dans mon équipe ».

Elle est également très consciente qu'elle doit une partie de son succès professionnel à son mari « qui m'a suivie partout et m'a beaucoup soutenue. Nous avons deux enfants de 10 et 12 ans et nous avons tous des agendas très chargés. Mes enfants m'ont toujours vu voyager, travailler et être très occupée, mais j'essaie toujours de garder mes week-ends pour eux. Je préfère passer du temps qualitatif plutôt que quantitatif avec eux », conclut-elle.