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Sandra Budimir

Sandra Budimir. Crédit photo : Loran Dherines

De ses vacances d’enfance un peu particulières dans une Croatie en pleine tourmente de la guerre des Balkans, Sandra a retenu un goût avéré pour la chose militaire. « Quand j’étais petite je voulais être militaire et avec du recul j’aurai bien fait St Cyr », dit-elle. Co-fondatrice de Starburst Accelerator, le premier incubateur d’entreprises mondial entièrement dédié aux start-ups du secteur défense, aéronautique et spatial, et mère d’une petite fille, « mon agenda ne me laisse pas le temps d’être officier de réserve », regrette-t-elle.

Parce que sa famille n’était pas familière avec les grandes écoles militaires, elle a fait une prépa HEC après son bac littéraire option maths et puis elle a intégré l’école de commerce KEDGE à Marseille. « Je suis parisienne mais je voulais bouger et cette école est dans les Calanques. J’y ai passé tout mon temps ; c’était cool », rit-elle. Sauf qu’elle a pris 14 mois de césure entre la deuxième et troisième année du cursus pour engranger les stages. « J’ai tout fait, entre le stage en ambassade de France en Croatie jusqu’à vendeuse chez Nike pour avoir le plus d’expérience en milieux différents possible », raconte-t-elle autour d’un plateau déjeuner dans ses bureaux modernes d’un immeuble tout blanc, qui accueille aussi l’Agence de l’Innovation de Défense.

La jeune femme a toujours voulu entreprendre et être son propre patron. « Mais je ne suis pas une rebelle », ajoute-t-elle rapidement. « Simplement, travailler ça prend beaucoup de temps dans une vie et je veux que mes journées soient épanouissantes. » Nous entamons une discussion sur l’utilité des écoles de commerces pour quelqu’un qui possède une âme d’entrepreneur. « Il y a des choses qui sont essentielles à savoir, comme la comptabilité, qu’on apprend à l’école. sinon une école de commerce permet de se créer un réseau », affirme-t-elle.

A sa sortie de l’école elle est embauchée par Capgemini Engineering, une ESN (Entreprise de Services du Numérique) « un espèce d’interim de luxe » sourit-elle. « Je n’oublierai jamais que quand j’ai commencé on m’a dit ‘Vous êtes une femme et donc deux fois moins crédible alors il vous faudra travailler deux fois plus’. J’ai répondu en rigolant que dans ce cas il me faudra deux fois le salaire ! » Sandra n’aime pas le féminisme « pur et dur » mais l’humour constitue son arme pour parer aux problèmes qu’elle a rencontré en interne « mais jamais avec mes clients ».

Ces derniers sont dans les secteurs aéronautique et défense, « un monde de passionnés ou j’ai trouvé des gens formidables », s’enthousiasme-t-elle, en ajoutant qu’ayant vu, petite, de près la guerre des Balkans, « travailler dans l’aéronautique avait du sens ».

Ses parents, Croates tous deux, sont les seuls de leurs familles respectives à vivre en France et donc ils tiennent à retourner au pays tous les ans. « Ils m’ont ouvert toutes les portes », souligne-t-elle « depuis les scouts de France aux cours de piano et au séjour de ski ». Mais elle est navrée qu’aujourd’hui il y ait un si gros décalage. « Pour eux, j’ai raté ma vie : ils auraient souhaité que j’ai un travail de 9h à 18h et une maison en banlieue pour y retrouver ma petite famille tous les soirs. » Ce qui n’est manifestement pas le cas !

Sandra démissionne quatre fois de Capgemini. Quatre fois l’entreprise lui propose une nouvelle mission en Allemagne puis au Brésil. Mais, en 2012 elle démissionne pour de bon et monte Starburst Accelerator avec François Chopard qu’elle connait depuis 2004. « C’était une page blanche devant moi pour faire émerger les champions de demain », dit-elle.

Sandra dans ses bureaux avec le nouveaux logo de Starburst Accelerator. Crédit photo : Christina Mackenzie

Aujourd’hui Starburst a des antennes à Los Angeles, Madrid, Munich, Montréal, Mumbai, Séoul, Singapour et Tel-Aviv. Elle a 10,000 start-ups référencées dont 10 % ont pitché les grands donneurs d’ordre, c’est à dire qu’elles ont pu leur présenter leurs produits/technologies/idées. « Après l’éco-système (les donneurs d’ordres) vote et les unes ou deux meilleures rentrent dans notre programme. En échange d’une prise de participation au capital ce ces start-ups, nous les faisons entrer dans notre programme d’accélération et les accompagnons pendant un an pour leur permettre d’intégrer les grands programmes d’équipements militaires, d’aéronautique ou de l’espace. »

En 2017 Sandra, très fière, intègre la section « Politique de Défense » de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense National), « une année fabuleuse et je ne comprends pas pourquoi cette formation n’est pas mieux connue », s’étonne-t-elle.

Et sa vie personnelle dans tout ça ? « J’ai aligné ma vie professionnelle et personnelle. C’est un équilibre qu’on recherche tout le temps mais je pense l’avoir atteint. Et j’ai l’impression d’apporter ma brique, d’insuffler l’esprit défense ».