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Ex-capitaine Mandy Hickson

Mandy Hickson. Crédit photo : image personnelle

Mandy Hickson est la deuxième femme pilote de Tornado GR4 au Royaume-Uni. Elle possède le caractère fort d’une femme qui a dû se frayer un chemin vers un objectif qu'on lui avait dit inaccessible adolescente. Mais je la découvre aussi lucide, drôle et charismatique. Et elle ne se laisse pas facilement impressionner.

Comme il sied à un ancien pilote de chasse elle est pile à l'heure pour notre réunion FaceTime, en survêtement et les joues encore roses après son entraînement intensif matinal de 45 minutes d’un sport dont je n'avais jamais entendu parler : le « spinning ». Mais Mandy l’adore et après une heure de conversation avec elle, je comprend que ce sport convient à son tempérament. « J'ai toujours adoré le sport : je pratiquais le netball [dérivé du basket] au niveau régional, je jouais au tennis, au hockey sur gazon, bref, à tous les sports que je pouvais. » Forte aussi en biologie elle choisit d’étudier la toute nouvelle discipline des « sciences du sport » à l'université de Birmingham au début des années 90.

« C'est ma mère qui m'a suggéré de rejoindre les cadets de l’air de la Royal Air Force [RAF] quand j'ai eu 13 ans. Mon tout premier vol fut dans un avion Chipmunk et j’étais mordue ! Je suis devenue passionnée par le pilotage. Mais je n'étais pas autant passionnée par les cadets, alors je m’étais dit que la RAF ne serait pas pour moi. De toute façon, on m'avait prévenu que les femmes ne pouvaient pas être pilotes de chasse. »

Néanmoins la RAF lui octroi une bourse de pilotage quand elle a 17 ans « mais il me fallait 10 heures de vol supplémentaires pour obtenir ma licence de pilote privé, alors je les ai payées moi-même avec les revenus de ma tournée de livraison des journaux ! » Ainsi, lorsqu'une amie l'a mise au défi de rejoindre l'escadrille aérienne de l'université, elle le fait car c’est surtout pour elle le moyen de conserver sa licence de pilote privé. « Mais j'ai adoré l'escadrille aérienne et j'y ai trouvé beaucoup de respect. Ils vous montrent vraiment le meilleur côté de la RAF », rit-elle. Alors, elle se met en tête de s’engager, mais la règle concernant inéligibilité des femmes aux postes de pilote reste encore en vigueur.

« Et puis, au cours de ma deuxième année, ils ont changé cette règle », s'exclame-t-elle, l’air de ne pas encore y croire. Mais il y avait des tests sur ordinateur et elle échoue... deux fois ! Son chef d'escadron, perplexe car elle était le meilleur pilote de l’escadrille, lance donc une enquête « et nous avons découvert que 70% des femmes échouaient aux tests alors que 70% des hommes les réussissaient, car ils avaient été conçus par des hommes pour des hommes ». Son chef d'escadron fait remonter l’affaire aux plus hautes autorités qui, finalement, proposent à Mandy une place d’élève officier contrôleur aérien.

« Sauf que ce n'était pas du tout ce que je voulais faire », raconte-t-elle. Elle accepte quand même en se disant que ça constitue un « pied glissé dans la porte » mais continue à plaider sa cause jusqu'à ce qu'elle obtienne enfin une place d’élève officier pilote.

Mandy aux commandes. Crédit photo : image personnelle

« Ils m'ont pris comme cobaye ! Je l’ai découvert car ils ont avoué à une de mes amies qu'ils avaient accepté une femme pour voir ‘jusqu'où elle pouvait aller avant d'échouer’. Elle ne savait pas que c'était moi ! Mais cela a semé le doute dans mon esprit. » La seule femme de son escadron tout au long de l'entraînement « les garçons me traitaient comme un des leurs : mes frères ». À la fin de la formation, il y avait un exercice de vol qu'ils ne pouvaient tenter que trois fois. « Cette petite graine de doute germait. J'avais déjà échoué deux fois et je pensais que c'était là le point où j’allais échouer. Je ne mangeais plus, je ne dormais plus et j'étais assise dans ma chambre avec ma planche de bord en carton en train de m'entraîner, lorsqu'un de mes camarades est entré et a insisté pour que je l'accompagne. Je l'ai donc suivi sur la place d’armes où j'ai retrouvé tous mes collègues à vélo et nous avons pratiqué l'exercice complet à vélo !! Cela m’a aidé à finalement comprendre où je faisais erreur. Le lendemain, j’ai réussi l’exercice ! » Ce genre de camaraderie « est ce qu'ils cultivent dans la RAF », ajoute-t-elle. « Ce genre de soutien : ‘Mandy a des difficultés, aidons-la’ est vitale dans une situation de combat », explique-t-elle.

Elle admet que mesurant 1,83 m « et parlant fort », elle a passé les six premiers mois « à  vouloir m’intégrer, à être un garçon, à trop boire, à commander deux demi-pintes au mess des officiers alors qu'on m'avait dit que les femmes n’avaient pas le droit de commander une pinte ! Et puis un jour, un officier de l'armée de l'air française dit à mes collègues : ‘vous, les Britanniques, vous avez beaucoup à apprendre sur les femmes’ . Cette remarque m'a fait réfléchir qu’il était vital que je sois vraiment moi-même au travail et que je cesse d’essayer constamment d’être quelqu’un d’autre. »

Mandy lors d’une de ses nombreuses conférences. Crédit photo : image personnelle

Elle restera 17 ans dans la RAF mais n’atteindra pas de grade supérieur à capitaine. « C'est à cause des choix que j'ai faits », dit-elle, lucide. « Je pilotais encore ne sachant pas que j’étais enceinte. J'ai fait une fausse-couche alors comme nous voulions des enfants, j'ai demandé un travail au sol. Plus tard,  la RAF voulait me déployer en Afghanistan, mais j'avais alors mes deux garçons [qui ont aujourd’hui 17 et 18 ans, mais qui étaient des tout-petits à l'époque] alors j'ai pris un emploi à Boscombe Down où il n'y avait pas de possibilité de promotion car c'était une mission au sol. »

Mandy quittera la RAF le jour de son 38e anniversaire « avec une pension et absolument aucun regret », dit-elle dans un grand éclat de rire.

La couverture de son livre

Depuis lors, elle s'est reconvertie en facilitatrice des facteurs humains au sein de l'Autorité de l'aviation civile, est une conférencière prolifique, a fondé Women for Work pour aider les femmes à réaliser leur plein potentiel et fait du coaching de performance. Sans oublier qu’elle est l’auteur d’un livre « An Officer, not a Gentleman » qui s'est vendu à 12 000 exemplaires ! Et elle n'a pas encore 50 ans.